L'herbe est perlée de sang (pv) [terminé]

-Mathilda. Que fais tu ici ?

Une jeune femme au teint et à la maigreur cadavérique sortit de l'obscurité. Elle semblait être apparue de nulle part, là, dans la tâche opaque, pleine de noirceur, juste dans l'angle formé par la cheminée et le mur gris. Elle portait une longue robe rouge sang, et un collier d'ambre dans lequel était emprisonné une araignée. Pourtant, on ne pouvait pas la distinguer dans l'obscurité. Pas avant qu'elle ne l'ai choisit.

-Maîtresse... dit elle, la captive est presque morte...

Une lueur malicieuse traversa son regard.

-Quoi ?! s'exclama l'autre voix.

La femme resta assise dans son fauteuil en cuir, mais on pouvait deviner dans la demi-obscurité qu'elle s'était légèrement penchée en avant. Malgré sa colère, sa voix restait parfaitement maîtrisée.

-Je t'ai interdit de la faire mourir. Nous avons besoin d'elle vivante.

-Mais pourquoi... nous pourrions tous les tuer, un par un ! Leur tordre le cou...

-Suffit !

Un bref silence s'installa.

-Je ne t'ai pas éduquée ainsi. Finesse et stratégie. Douleur exquise. Souffrance lente. Retiens toujours ces mots, ils font notre succès.

Le visage de Mathilda fut traversé d'une étrange expression. Un mélange de stupeur et de déception. Son visage blanc semblait luire et flotter dans les airs.

-Retourne auprès de cette sotte de prisonnière. Force la à manger. Et ne la torture pas pour ça. Elle est bien trop faible. Si elle meurt, tu peux faire un trait sur le cadeau que je t'ai promis... Maintenant va !

Mathilda s'en alla dans un éclair rouge, sans bruit.

Isis resta assise seule dans le noir. Elle demeura ainsi de longues minutes dans le silence le plus total. Cette prisonnière lui donnait du fil à retordre. Elle aurait dû s'en douter ! Ça doit être quelque chose dans le sang. Enfin, qu'importe. Dans quelques jours elle obtiendrait ce qu'elle voulait en échange de cette imbécile de sorcière sans talent. Elle était confiante. Bientôt elle aurait la main mise sur les reliques les plus convoitées... les plus puissantes... oui... elle pourrait enfin compléter sa collection et atteindre une puissance sans égale... tout ça grâce au Théâtre d'Ombre.

Dehors, le calme régnait. Il y avait une très légère brume,qui s'était levée avec le soir. Il n'y avait aucun bruit dans le manoir. C'était sûrement le lieu le mieux protéger de toute l'Angleterre, pensait-elle... après Gringotts et Poudlard. Elle pouvait dormir sur ses deux oreilles ici.

Comme le hasard fait parfois bien les choses !
Elle se leva brusquement. Sa pensée venait d'être contrariée. Son coeur venait de se soulever : quelqu'un avait pénétré les défenses magiques du manoir.

Personne ne s'était jamais mesuré à elle.
Personne n'avait jamais osé défier son pouvoir
Personne, avant Lui.

Un carreau se brise. Puis, le retour du silence. Les débris jonchent le sol, et parmi eux un félin peu commun se trace un chemin. Il a de grandes oreilles pointues, un regard à faire pâlir un basilic. Un autre apparaît. Puis un troisième. lls se déplacent dans la pièce, silencieux.

Quelqu'un passe en courant devant la porte du fond. Trop rapide pour qu'on puisse distinguer quoi que ce soit.

Une ombre semble se profiler devant la fenêtre qui vient d'être brisée. Un son mat s'élève dans une autre pièce. On dirait le bruit d'une chaise qui tombe à la renverse, une table qui se déplace...

Quelqu'un passe à toute vitesse devant la fenêtre. Une fois. Deux fois. Le fenêtre s'ouvre en grand comme sous l'effet d'un courant d'air, et une masse noire pénètre à l'intérieur de la pièce... Au loin, le ciel tressaille. Des flashs luminescents, irréguliers. La grande ombre traverse la pièce et pénètre dans l'autre. Les félins la suivent à la trace. Une porte qui était fermée s'ouvre sur la gauche, il fait trop noir pour voir ce qui se tient dans l'embrasure... mais ce n'est pas humain.

Quelque s'écroule dans un bruit monstre.
Une partie du plafond semble s'être fracturée.

Les molosses se mettent à aboyer, enragés. Ils grognent, salives. Leurs yeux brillent d'un rouge malsain, haineux. On les dit les fils du démon. Une grosse main noueuse les détache, et les voilà qui s'élancent hors de la petite pièce, prêts à dévorer tout ennemi... L'homme sort en courant, les suivant de près.

Le plafond s'écroule.

* * *

Une ténèbre épaisse s'élève tout autour du manoir, subjuguant même la brume. Des ombres par dizaines en sortent. L'ombre s'étend jusqu'au ciel, et voilà que les étoiles sont voilées. Les silhouettes se dirigent toutes vers le manoir, à toute allure... Une véritable armée.
Toutes les fenêtres du manoir sont éteintes.
Un éclair descend du ciel et frappe la toiture de plein fouet. Pas une seule étincelle. Quelle est donc cette magie ?

Le manoir luit un instant, puis redevient normal. Un charme vient d'être brisé... Les sorciers et sorcières qui couraient vers le manoir se réunissent alors en une même ombre... et pénètrent les murs inviolés jusque là.

* * *

Une lueur passa dans les yeux de la harpie. L'avidité.

-Tu aimerais bien le savoir n'est-ce pas ? Allons, je te pensais bien plus perspicace.

-Toujours cet aplomb dérisoire... Tu n'es qu'un enfant, Orphée. Je me demande encore comment Wallace a bien pu te choisir pour lui succéder. Tu penses que venir traîner tes sales pâtes ici fais de toi un héros ? Si les membres de l'Ordre ne nous ont jamais attaqué, c'est parce qu'ils leur restait une once de sagesse... mais depuis ton arrivé, ils semblent se croire invincibles. Vous avez signé votre arrêt de mort... et premièrement, le tien.

-Ah... c'est bien cela ton problème. Tu nous as toujours sous-estimés.

-Comment pourrait-il en être autrement ?

-Biensûr... Offre moi le plaisir d'un combat à mort, et je te montrerai ce qu'est l'Enfer...

-Tu y es déjà pauvre fou !

Mathilda se plaqua contre le mur et disparue, le regard emplit de terreur. Orphée lâcha Rebecca qui s'écroula au sol, et le combat commença...

Isis avait déployé sa magie en une fraction de seconde. Des éclairs lumineux l'encerclaient et s'élevaient en un volute filamenteux qui s'abattit sur Orphée. Un vent violent s'était levé dans la pièce, un vent brûlant... et les murs devinrent rouge, comme du fer soumis au feu... Orphée demeurait étrangement fixe face à ce déchaînement de puissance... Il repoussait l'assaut du mieux qu'il pouvait, mais son genoux commençait à fléchir, sa baguette reculait et lui avec... Il n'avait jamais eu à contrer un sort aussi puissant. Isis utilisait des reliques pour en extraire leur essence, ou les utiliser telles qu'elles... elle avait développée une magie extraordinairement puissante. Mais lui aussi avait plus d'un tour dans son sac...

Trois félins surgirent du néant et assénèrent de violents coups de griffe à Isis qui hurla. Les félins disparaissaient et réapparaissaient : une véritable tornade. Elle tenta de s'en dépêtrer mais ils étaient trop rapide. Orphée s'écroula au sol quand le sort se stoppa net. Il eu tout juste le temps d'apercevoir derrière Isis trois énormes molosses aux yeux rouges qui prirent les félins en chasse. L'un des molosses se détourna du Fléreur et bondit sur Orphée qui tentait de se relever. Sa gueule était à seulement quelques centimètres de son visage quand quelque chose percuta l'étrange chien démoniaque et l'entraîna avec lui contre le mur de pierres. Orphée se releva, baguette en main, Isis était face à lui, prête à l'attaquer de nouveau. Il s'aperçut que la créature qui avait assommée le chien était un aigle d'une taille impressionnante. Il tourna son regard à droite et vit qu'il était le produit du sortilège de Phliéas ! Son ami était sorti de nulle part ! Le vieux sorcier aux couettes blanches lui fit un clin d'oeil. Il vint se placer à côté de lui, et tandis que les chiens infernaux et les Fléreurs sortaient de la pièce, ils se préparaient à un nouveau combat. Philéas fit un léger pas en avant, et s'adressa à Isis :

-Voici le moment que j'attends depuis tellement longtemps... Tu vas payer pour la mort de mes quatre frères, et de ma soeur ! Maudite saleté...

L'expression de haine qui marquait son visage habituellement si doux, glaça le sang d'Orphée. Il se dit qu'en cet instant, il n'aimerait pas en être l'objet.
Isis ne sembla pas effrayée, au contraire. Elle éclata d'un grand rire moqueur.

-Il ne restait plus que toi pour compléter ma collection, et les cris d'agonie de la famille...

Philéas ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. Il lança un sortilège que la harpie esquiva d'un revers de main. Orphée enchaîna avec un sort qu'elle contra cette fois. Philéas avait déjà lancé son autre sort qui rebondit contre une protecton magique ; Orphée agita sa baguette et un mur de flamme se déplaça droit sur Isis qui traça un étrange symbole dans les airs, le dissipant. Philéas fendit l'air d'un grand coup de baguette et une onde de choc explosa le sol juste au dessous des pieds de la sorcière qui cette fois attaqua : elle projeta une nuée de sphères lumineuses et d'épines droit sur eux. Le sort que lançait Orphée explosa contre celui-ci et la protection qu'avait élevé Philéas ne laissa rien passer. Mais le choc des trois sortilèges mélangés provoqua une onde de choc qui les fit fléchir. Orphée avait l'impression d'avoir reçu un coup de poing dans le ventre. Le souffle coupé, il parvint à peine à asséner un sortilège de lacération à la sorcière qui poussa un hurlement. Philéas jeta immédiatement un autre sort et elle fut projetée en l'air, tourbillonnant. C'est à ce moment là qu'Orphée sentit que c'était le bon moment. Il sortit quelque chose de minuscule dans sa poche, une petite boule de laine semblait-il, et la lança sur Isis qui fut immédiatement recouverte par un drap... un Drap Fatiguant. Le moindre de ses gestes alourdissait le drap, et le rendait de plus en plus difficile à ôter... et si elle insistait trop il risquait même de lui déchirer la peau.

-Allons nous en !

-NON ! JE VEUX LA DETRUIRE !

-Philéas ! On va mourir si on reste ici ! Il faut emmener Rebecca loin d'ici !

-PARTEZ SANS MOI !

Il s'apprêtait à lancer un sortilège au drap mais Orphée stoppa son geste.

-Non ! Il va ricocher contre toi !

Philéas poussa un cri de rage.
Orphée prit Rebecca qu'il porta dans ses bras, et commença à se diriger vers la sortie mais il s'immobilisa devant la porte.

-Viens je te dis ! Il faut qu'on parte. Tu auras ta vengeance plus tard, je te le promets. Nous l'éliminerons quand toutes les conditions serons réunies, elle est trop puissante pour le moment. Aller viens !

Mais Philéas s'approcha d'elle, empoigna le drap, et transplana avec Isis...

Quelque part dans le manoir.

-Nous avons été trahis ! C'est la seule explication.

-Oui, la seule. Je maudit ce Orphée. Nous n'avons jamais eu tant d'ennui depuis son entrée dans l'Ordre de Merlin. Je savais qu'enlever une de ses proche était une erreur. Les liens du sang... il n'y a rien de plus fort. Et venant de la part d'un homme qui a perdu l'être qu'il aimait, ça ne m'étonne pas du tout qu'il fasse tout pour sauver sa cousine. Jusqu'à risquer sa propre vie et celle des autres.

-Encore un homme prêt à mourir pour ses valeurs ! C'est pitoyable. Viens, partons avant qu'il soit trop tard. Je ne tiens pas à mourir ici.

Julian attrapa le bras de l'homme qui venait de parler.

-Prend garde. Prend toujours des hommes qui ont des valeurs.

Une lueur étrange passa dans son regard, et il disparu.



Salle des captifs.

Orphée se retrouva seul face au vide laissé par Philéas. Il ne savait plus quoi faire. Il ne pouvait le laisser seul face à Isis... mais pour le moment... Il fallait qu'il emmène Rebecca loin d'ici. Il tenta de transplaner. Le seul problème, c'est qu'il ne pouvait plus. Il fit quelques pas en avant pour partir de là à pieds, mais il se heurta contre une barrière magique.

*Allons Orphée, tu ne pensais pas t'échapper comme ça !*

La voix d'Isis s'était élevée de nulle part... même à distance elle l'empêchait de partir ! Il sentit une violente douleur dans le dos, puis dans tout son corps, et soudain, il se retrouva au bord d'une falaise, Isis devant lui, Philéas à ses pieds... inerte.

Immédiatement, il déposa Rebecca au sol. Cela la réveilla. Doucement, elle ouvrit les yeux. Orphée fit un pas en avant.

-Non... ne me laisse pas... gémit-elle.

Il baissa son regard vers elle, surpris.

-Rebecca ? Tu es consciente ?

Il revint vers elle, oubliant presque Isis. Il prit sa main.

-Je ne t'abandonne pas. Je dois accomplir quelque chose. Quelque chose de très important. Et si j'échoue... pardonne moi... Je t'en supplie pardonne moi.

Il lâcha sa main qui s'agrippait encore à la sienne.

-N'essaie même pas de l'envoyer ailleurs par magie. C'est inutile.

Hélas il le savait bien et c'est pour cela qu'il n'avait même pas essayé. Il y avait quelque chose de louche. Isis était puissante, beaucoup trop. Il soupçonnait le lieu de ne pas y être pour rien... certes elle puisait sa puissance dans les reliques, mais il y avait autre chose.

-Après toi, je tuerai tes deux comparses. Un par un. Je vais en jouir. Mais ta mort à TOI... je n'ai pas de mots assez forts. J'ai attendu ce moment tellement longtemps. Et vois tu, ta naïveté rend les choses plus jouissives encore. Je vais prendre plaisir à te démembrer, te dépecer, et je te dévorerai comme une brebie.

Son visage immonde se déforma plus qu'il n'était permis, sa bouche était béante, ses yeux étonnements grands, luisants, en amande. Sa peau avait une teinte grise dégoutante, virant au rouge par endroits. Sa chevelure immonde semblait vivante. Cette souillure resplendissait de laideur : tout son sang de harpie bouillonnait. Elle se dévêtit de sa grande robe qui lui donnait un aspect vaguement humain, révélant une silhouette gigantesque, carrée, décharnée. Elle portait des vêtements déchirés par endroit, des fagots tout au plus. Orphée se boucha les oreilles, son cri était insoutenable. Cette femme avait définitivement vendue son âme au diable !

Orphée porta sa main à pendentif en forme de papillon pour se donner du courage. Il ne songea même pas à appeler de l'aide, ce n'était pas la peine de créer plus de morts encore. Il était convaincu de mourir cette nuit. Mais ce ne serait pas sans combattre...

Isis éleva son bras droit au dessus d'elle, sa baguette pointant vers le ciel, déchaînant les éléments. Les nuages s'assemblaient en une spirale effrayante qui descendait vers elle....

-Oh non... murmura Orphée. Pauvre folle ! Tu pourrais anéantir cette contrée !

Elle éclata d'un grand rire sardonique, gutturale, animal.

C'est à ce moment là qu'il accomplit un acte de folie pure : il se mit à courir vers elle. C'est sans doute ce qui lui sauva la vie. Il courut, courut, jusqu'à ce qu'elle réagisse enfin. Elle du interrompre son sort pour lui lancer un maléfice qui l'entailla sur une partie du bras, mais il continua. Il se trouvait maintenant juste devant elle, et... il se jeta dessus. Elle tomba à la renverse. Il la roua de coups au visage, des coups de poings, encore et encore. Mais elle finit par arrêté son geste, puis le renversa. Ils roulèrent dans l'herbe, l'un prenant tantôt le dessus, tantôt l'autre. Isis était ensanglanté, et Orphée aussi. Son sang de harpie le brûlait mais il ne cessa pas de combattre. Bientôt il se retrouva sous elle, elle l'étranglait. L'oxygène lui manquait. La gueule immonde de la harpie était animée par la rage, la haine. Il réussit à se dégager, sans trop savoir comment. Instinctivement il lui avait fait une prise de combat qu'il avait prit dans sa formation d'Auror. Mais la bête à la force colossale le rattrapa vite et le frappa de nouveau. La douleur était telle qu'il était sur le point de perdre conscience. Il aperçu sa baguette dans l'herbe juste à côté. Il tendait désespérément la main vers elle, jusqu'au moment où enfin... il pu s'en saisir. Il utilisa un sortilège informulé pour mettre le feu aux vêtements d'Isis. Elle se releva rapidement et attrapa sa propre baguette pour les éteindre. Orphée se releva à son tour, éreinté. Tous deux se faisaient face, le souffle court. Ils étaient au bord de la falaise.

-Je te HAIIIIIIIIS !!!!!

Il fonça sur elle, et, à cause de la force de l'impact, perdit l'équilibre. Il pencha trop sur la gauche, et, son pieds glissa sur une pierre. Il s'agrippa de justesse à la main d'Isis, et alors qu'il basculait en arrière, ils passèrent tout d'eux de l'autre côté de la falaise, sombrant dans une chute qui semblait sans fin... en contre bas, l'océan déchaîné.