Retour sous la pluie (Londres)

Le mois de mai venait de débuter avec un premier jour pluvieux et glacial. Certes cet hiver rude qui avait frappé l'Angleterre cette année là avait laissé place à des températures plus clémentes mais l’humidité ambiante et persistante devenait de plus en plus insupportable. Alors que vingt-deux heures venaient de sonner, Alessandro, le visage fouetté par une pluie diluvienne, fermait la porte de la galerie avant de faire tomber le rideau de fer.

Ce jour-là, un collectionneur russe avait décidé d'acheter deux œuvres récemment mises en vente. Des peintures d'une jeune artiste hongroise que Ludwig, le propriétaire de la galerie, avait décidé d'exposer. C'était donc une bonne journée qui venait de s'écouler et la soirée ne faisait que de commencer pour le jeune londonien.

Traversant la rue, il prit le bus qui passait à ce moment là pour rejoindre un pub irlandais où l'attendait ses amis. La soirée serait festive puisque Margareth fêtait ses 25 ans et que Teddy et William avaient décidé que l'événement méritait d'être marquer d'une croix rouge.

Lorsqu'il rejoignit finalement ses amis, l'ambiance était déjà au plus haut et la bière avait coulé à flot. Les compères chantaient bruyamment dans une partie reculée du bistrot et ils hélèrent Alessandro quand ils le virent arriver. Trempée par la pluie, ses cheveux ruisselants sur son visage, le jeune homme jeta sur un portemanteau sa veste détrempée et s'installa avec ses amis.

Jusqu’à une heure du matin, les jeunes gens animèrent gaiement le pub. Puis, Alessandro décida qu’il était tant de rentrer au grand damne de William qui souhaitait poursuivre la soirée chez lui avec ses amis. Le groupe se scinda alors en deux : Les fêtards sans obligations le lendemain et les fêtards avec obligation.

Alessandro salua chaleureusement ses amis avant de prendre le chemin de chez lui sous une pluie battante. Malgré l’heure tardive et le temps peu engageant, les londoniens traînaient dans les rues détrempées et Alessandro jetait de temps à autre un regard furtif aux personnes qu’il croisait sur sa route.

Invité

Ciaran sortait d'un concert punk, elle n'était vraiment pas assez couverte, ses amis moldus lui avaient proposé de la ramener en voiture, mais elle préférait marcher, flâner le long des rues et qui sait si elle ne pouvait pas trouver un after sympathique et se faire ainsi de nouvelles connaissances.
Au pire si elle ne trouverait rien, elle finirait la nuit dans une petite boutique gothique tenue par un ami.
Elle marchait d'un pas souple et félin, comme si la pluie ne l'atteignait pas, elle semblait amusée et un sourire éclairait son visage aussi blême que la mort.
Elle croisait des londoniens qui semblaient presser de rentrer chez eux et de sauter dans un taxi.
Elle était trempée, elle finit par s'arrêter devant une boutique car un objet venait d'attirer son attention, des jeunes gens la bousculaient mais elle semblait ne même pas les sentir.
Ses cheveux étaient retenus par un ruban de velour rouge sang, qui sous la violence des gouttes d'eau finit par se détacher et par s'envoler.
Celui-ci tournoya dans les airs, luttant contre la pluie, pour finalement, se posait sur le visage d'un jeune homme qui semblait observer discrêtement les passants qu'il croisait.
Il était non loin de la jeune femme qui avait les mains posées sur la vitrine de cette boutique, ses cheveux mi-long, noirs corbeau, encadrés à présent son visage, elle sentit une mêche lui chatouillait le nez, elle sortit de sa contemplention, pour la remettre en place.
C'est là qu'elle se rendit compte qu'elle venait de perdre son attache, elle tourna la tête à la recherche de ce petit bout de tissus.

Il n’y avait rien à dire, le temps n’était pas clément et n’allait pas en s’arrangeant au fur et à mesure que la nuit s’écoulait. La pluie tonitruante battait le sol avec fracas, s’écrasait sur les visages avec férocité et noyait le paysage dans un dessolement d’eau usée et souillée.

Une soudaine bourrasque de vent anima les cheveux noirs d’Alessandro et quelque chose d’humide vint se coller à son visage. Avec dégoût, il saisit l’importun qui se collait à lui et le retira de son visage. Il constata alors qu’il s’agissait d’un morceau de tissu relativement long, d’une texture duveté et de couleur rouge. Il ne compris pas immédiatement qu’il s’agissait d’un ruban, encore moins que c’était là un attaque pour des cheveux, et le regarda d’un air perplexe.

"Voilà que les déchets me tombent dessus…"

Grommela-t-il en fixant sans ciller l’intrus de velours. Puis relevant les yeux, il balaya le paysage, bien loin de s’imaginer que cette étoffe appartenait à la jeune femme qui se trouvait sous le perron de la boutique voisine. D’ailleurs, ce passement pouvait tout aussi bien être à cette vieille dame qui descendait du bus, tout comme à cette mendiante abritée sous un porche ou encore à ces jeunes filles délurées qui riaient bruyamment à quelques pas de là.

Ses doigts se resserrèrent sur le morceau de tissu, s’il ne le jetait pas dans la poubelle toute proche, il pourrait lui trouver une quelconque utilité ? A moins que ce soit un signe du destin l’invitant à prendre garde au rouge ? Ou a regarder vers le rouge ? Ou a…

"N’importe quoi…"

Pensa-t-il alors en reprenant sa marche sans se défaire du présent tomber du ciel.

Invité

Ciaran avait le regard qui englobait la scène, elle vit le manège du jeune homme, elle vit son air dégouté mais elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle aurait certainement eu la même réaction.
Elle décida de se diriger vers lui en souriant. Elle marcha d'une démarche à la fois féminine et déterminée.

Pardonnez moi Monsieur mais ce bout de tissus "importun" m'appartient dit elle de sa voix grave et suave, quand elle fut près de lui. Sa chevelure noire était trempée et elle ne devait pas ressembler à grand chose. Ah si à un épouvantail peut-être!

Il n’avança guère de plus de quatre mètres lorsqu’il fut arrêté par une femme à l’aspect douteux. Ses longs cheveux noirs étaient détrempés et dégoulinaient de par et d’autre de son visage pâle, ses vêtements laissaient supposer qu’elle avait un goût certains pour les modes sombres mais ses yeux bleus gris interpellèrent le jeune homme. Car si l’ensemble laissait à désirer au premier abord, ses yeux avaient quelques choses de frappant.

"C’est à vous ?"

Dit-il en tendant le ruban devant lui, son regard sombre se plongeant directement dans le lagon de glace qui lui faisait face.

"Il est effectivement… importun…"

Conclut-il alors sans ciller et en lui tendant toujours le morceau de tissu.

"Tenez... au moins, il n'aura pas toucher terre... et ne sera donc pas souillé."

Invité

Ciaran observa le jeune homme devant elle. Il était en aussi piteux état qu'elle. La pluie n'épargne personne, c'est bien connu. Mais malgré cet état, elle pouvait constater qu'il avait très belle allure.
Lorsqu'il plongea son regard sombre dans le sien, elle fut légèrement troublée. Peut-être qu'elle était simplement fatiguée ou bien?

Oui, la pluie a essayé de me le voler dit elle bêtement. Elle aimait pas faire des blagues "pourries".

Pas tant ça car il a été l'entremetteur de notre rencontre. Ajouta t'elle s'enfonçant davantage par sa maladresse.
Quand il lui tendit, elle le prit avec toute la délicatesse dont elle était capable, vu qu'elle était un garçon manqué.

Merci de me protéger ainsi de la souillure de cette rue, remplis de jeunes fêtards déjantés!

Je me prénomme Ciaran. Dit elle d'une voix suave. Seuls les sorciers pouvaient savoir que seul un homme portait ce prénom généralement et qu'il avait une étymologie aussi sombre que sa tenue.

Il écouta la jeune femme se perdre dans ses remerciements maladroits et ces tentatives de communications. Alessandro était amusé de la voir tenter une approche indécise, prétextant que le foulard était l’entremetteur de cette rencontre impromptue. Toutefois, même si la fatigue l’accablait, Alessandro n’était pas du genre sauvage et regardant la jeune femme dégoulinante d’eau alors qu’elle se présentait, il lui tendit une main large et chaude en disant :

"Alessandro."

Invité

Lorsqu'il lui tenda sa main, elle hésita un instant avant de la serrer. Elle avait froid et elle aurait bien aimé être dans un quartier sorcier, pour pouvoir lancer un sort et ainsi retrouver un peu de sa dignité de femme.

Enchantée Alessandro. Dit elle d'une voix amicale, un italien pensa t'elle. Sorcier ou simple moldu. Rien dans son apparence ne pouvait le montrer, hormis le bon goût vestimentaire.
A peine, eut elle fini de prononcer ses quelques mots que le tonnerre se mit à rugir, elle ne put s'empêcher de frissonner, elle avait toujours détesté l'orage.

Le ciel se déchira en deux, un éclair blanc venait de le traverser de part en part, et à peine quelques secondes après cette éblouissement le tonnerre résonna au-dessus de la ville. L’orage n’était pas loin et s’annonçait violent. Il n’était guère prudent de rester sous la pluie à ce moment précis.

Alessandro ne remarqua pas que son interlocutrice frissonnait car, à peine le son de l’orage s’estompait dans la rue que son visage se relevait pour contempler le ciel. Son regard se perdit dans le néant qui se dressait au dessus de lui, les gouttes d'eau venaient s'écraser sur son visage et un cours instant, il s’absenta de cette scène de rencontre impromptue.

Une tempête se levait et comme à chaque fois que le ciel se fendait de couleurs vives, que des sons graves résonnaient comme sur un champ de bataille et que le chaos semblait s’approcher sans cri gare, Alessandro retournait en hiver 2010 dans ses pensées. Il scrutait le ciel à la recherche de réponses et d’explications logiques et rationnelles et oubliait lieu, temps et condition climatique.

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